La semaine dernière, le parlement israélien, la Knesset, a soumis en première lecture des projets de loi mettant en œuvre la loi israélienne en Cisjordanie occupée, déclenchant l’opposition publique de Washington et une pause temporaire ordonnée par le Premier ministre. Les gros titres indiquent que l’annexion a été vérifiée. Le dossier indique le contraire.
L’annexion est déjà à l’œuvre sur le terrain. Ces dernières années, les pouvoirs précédemment détenus par l’administration civile de l’armée israélienne ont été transférés aux ministères civils, donnant ainsi aux responsables alliés des colons le contrôle de la planification, de l’enregistrement foncier et des infrastructures. Les colonies bénéficient d’un financement public et d’une protection juridique, et les systèmes fonciers et fiscaux en Cisjordanie sont liés aux réseaux administratifs israéliens. Ces changements étendent la juridiction israélienne sans aucune annonce officielle.
Ce processus n’a pas commencé avec le gouvernement actuel. Travaillant avec le mouvement d’implantation depuis des décennies, les administrations israéliennes successives se sont efforcées de promouvoir la colonisation par le biais de décisions administratives et de planification cumulatives. Sur le terrain, les actions israéliennes ont remodelé la Cisjordanie pour en faire un contrôle israélien global avec une présence palestinienne minimale.
Depuis 1967, l’armée israélienne administre la Cisjordanie par l’intermédiaire de l’Administration civile, une unité du ministère de la Défense qui gère les affaires des colons et des Palestiniens dans les territoires occupés. Le gouvernement d’extrême droite actuel transfère cette autorité, en transférant progressivement les tâches aux ministères et aux organismes civils alliés au mouvement des implantations. En 2023, sous la direction du ministre des Finances Bezalel Smotrich, il est allé jusqu’à établir une administration des colonies pour superviser la confiscation des terres palestiniennes, émettre des ordres de démolition massive de bâtiments palestiniens, accélérer les plans de colonisation et faire progresser les lois qui augmentent les budgets des conseils de colonisation. L’administration des colonies contrôle désormais environ 60 % des terres de Cisjordanie, y compris la zone C et, de plus en plus, la zone B.
Des décisions récentes incluent le transfert des recettes fiscales municipales aux conseils des colonies et le placement de certaines parties de la Cisjordanie dans les budgets et systèmes de services municipaux israéliens. Certains villages palestiniens ont récemment été reclassés comme villages israéliens et les habitants doivent obtenir un permis pour rester dans leurs maisons.
Une autre pierre angulaire sur la voie d’une annexion formelle est l’augmentation de la croissance des colonies depuis l’arrivée au pouvoir de ce gouvernement. Les blocs de colonies reçoivent un financement record pour leur expansion, avec des infrastructures les reliant aux villes israéliennes. La route 60, la principale autoroute nord-sud traversant la Cisjordanie, dessert désormais en grande partie le trafic des colonies, et l’accès des Palestiniens est restreint. Le gouvernement a décidé de mettre en place la zone E1, qui diviserait la Cisjordanie. Les organisations israéliennes de paix annoncent chaque semaine de nouveaux avant-postes et routes de colonies.
En mai, le gouvernement israélien a approuvé la construction de 22 nouvelles colonies au cœur de la Cisjordanie – la plus grande expansion depuis le début du processus de « paix » d’Oslo il y a 30 ans. Cela fait suite à une série de décisions visant à établir des colonies en Cisjordanie, portant le nombre de nouvelles colonies approuvées depuis l’entrée en fonction de ce gouvernement en 2023 à plus de 50 colonies.
Toutefois, les colonies ne sont pas aussi visibles sous Netanyahu. Depuis le début du processus de « paix » à Oslo en 1993, le nombre de colons en Cisjordanie est passé de moins de 100 000 à environ 500 000 aujourd’hui, ce qui signifie qu’un habitant de Cisjordanie sur cinq est désormais un colon. En incluant Jérusalem-Est, le nombre total de colons dépasse largement les 700 000. Au moins 40 pour cent de la Cisjordanie est consacrée aux activités de colonisation.
Sans surprise, cette forte hausse a conduit à une augmentation de la violence des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie, où elle a atteint des niveaux records depuis 1967. Les deux dernières années ont été les plus sanglantes de l’occupation, avec plus de 1 000 Palestiniens, dont 129 enfants, tués par des soldats ou des colons israéliens. Des milliers d’attaques de colons ont été signalées, faisant des victimes et d’importants dégâts aux maisons, aux fermes et aux véhicules. Depuis janvier 2024, 40 000 Palestiniens ont été déplacés en Cisjordanie, dont au moins 1 800 en raison des violences des colons.
La violence des colons est organisée et intentionnelle. Il terrorise les Palestiniens, perturbe la vie quotidienne et oblige les familles à quitter leurs terres. Il agit comme un bras exécutif auxiliaire pour le projet de colonisation qui vise à saisir et confisquer des terres. Pendant des années, les autorités israéliennes ont minimisé ou ignoré l’ampleur des crimes commis contre les Palestiniens en Cisjordanie. Seulement 3 pour cent des enquêtes de la police israélienne sur les attaques de colons ont abouti à des condamnations totales ou partielles. Sous le gouvernement actuel, cette impunité s’est transformée en un soutien politique ouvert à des attaques à motivation idéologique.
